D'après la chanson "Suicide" de Denis Ken.
Je me tiens au bord de la jetée, devant le ciel parsemé d’étoiles brillantes et insaisissables. Je repense pour la millième fois au moins à cette nuit fatidique où vous m’avez été si cruellement et brutalement enlevés. Vous mes amis, toi mon amour, vous m’avez tenu à l’écart de cette guerre trop dure pour nos jeunes esprits, pour nos jeunes corps. Vous m’avez tenu à l’écart et vous vous êtes sacrifiés pour que l’on vive, pour que je vive. Mais sans vous ce monde n’est plus rien et ma vie n’est plus qu’un misérable grain de sable perdu sur une plage déserte. Je lève une dernière fois mon visage baigné de larmes sur le firmament qui se mêle aux gouttes d’eau projetées par la brise et bascule.
J'ai rêvé de ce soir à la beauté inquiète
J'ai rêvé d'une plage de sable évaporé
à ce moment précis, quand la brise projette
vers le ciel qui s'éteint, des poignées d'étoilées.
L’eau claire et agitée se referme avec violence sur moi et je sens toute l’énergie et la vie de mon corps battre à mes oreilles. Je respire à grande goulée cette eau purificatrice dans l’espoir d’être lavée de cette vie où l’espoir est mort. Je bois quelques gouttes de cette coupe qu’est l’océan. Je songe à tes baisers qui m’ont enivré autant que cette eau salée. Te rejoindrai-je dans l’océan de verdure du paradis ? M’attends-tu pour partager ce bonheur qui n’existe plus sur terre depuis ton départ. J’aspire encore un peu pour me rapprocher encore de toi, m’enivrant des saveurs salées de l’eau, croyant goûter ta peau sous mes lèvres.
Délivré de l'espoir, j'avançais au rivage
Les parfums du large débarquaient en cascade
J'aspirais, j'aspirais, buvant à plein visage
M'enivrant, m'enivrant, comme on boit, par bravade
Mon corps élancé, entraîné par les vagues furieuses, danse dans la tempête. Je revois ton visage, tes yeux se refléter sur l’émeraude de la houle. Mon éternel cavalier, je te rejoins pour la dernière danse de ma si triste vie. Je tends les bras pour te saisir et l’écume blanche s’accroche à mes doigts et m’accompagne dans cette farandole un peu folle, me parant de mille perles éclatantes, m’habillant d’une robe de dentelles et de satin aquatiques. Elles parsèment ma chevelure rousse qui ondule autour de mon visage blême. Mes yeux ne quittent plus le coin de lune qui brille au loin comme un phare dans la tempête de mon coeur, au-dessus des eaux qui m’emportent toujours plus près de toi.
Les vagues s'élançaient, frémissantes et frivoles
J'ai dansé avec elles de folles farandoles
J'ai glissé, glissé sous leurs jupons émeraudes
Je me sens si las d’affronter cette vie, et les remous de la mer me bercent paisiblement. Sa fraîcheur apaise le feu douloureux de mon cœur qui se consume d’amour loin de toi. La danse s’arrête enfin et je glisse lentement vers le berceau de cet océan. Je suis fatiguée et étourdie de tant de peines et je n’aspire plus qu’à me reposer là, dans cette immensité émeraude et paisible.
Je vais enfin me reposer et te rejoindre. Retrouver la douceur de tes bras dans les faibles courants qui m’emportent. Je ferme les yeux et revois ton si doux visage. Tes yeux émeraude comme la mer, tes cheveux noirs comme la nuit, ton amour brillant comme la lune. Je suis enfin près de toi. Nous sommes enfin réunis dans cette immensité glacée.
Quelle fatigue, soudain, d'avoir si bien dansé
Oui ! Boire, s'étourdir et puis ne plus penser
Je me suis glissé dans un linceul émeraude.