Quand j'aurai tout compris, tout vécu d'ici-bas,
Quand je serai si vieille, que je ne voudrai plus de moi,
Quand la peau de ma vie sera creusée de routes,
Et de traces et de peines, et de rires et de doutes,
Alors je demanderai juste encore une minute...
Ma vie n’a pas été de tout repos. Le combat contre Lord Voldemort fut intense, les pertes importantes, le chagrin immense. Nous avons survécu malgré tout. Nous avons vécu pour eux, en mémoire d’eux, de nos amis, parents, enfants… Nous avons rebâtis le monde des sorciers, nous avons fondé des familles. J’ai épousé Harry et l’ai aidé à reprendre une vie normale. Je suis une vieille femme aujourd’hui et il m’a quitté il y a déjà quelques années. Nos enfants sont grands et ont eu le temps d’avoir eux-mêmes des enfants. Les rides parcourent mon visage, comme autant de cillons creusés par toutes les larmes que j’ai versé, par tous les éclats de rires qui m’ont échappé, par tous les soucis et les peurs que j’ai eu… Et pourtant, je m’attarde encore un instant, une minute dans cette si petite vie…
Quand il n'y aura plus rien qui chavire et qui blesse,
Et quand même les chagrins auront l'air d'une caresse,
Quand je verrai ma mort juste au pied de mon lit,
Que je la verrai sourire de ma si petite vie,
Je lui dirai "écoute ! Laisse-moi juste une minute..."
La mort de mon époux, Harry, me semble si loin que la peine n’est plus que le souvenir d’une vie qui ne m’appartient plus. Mes parents, mes frères, tous m’ont quitté petit à petit et je ne ressens plus la morsure de leur perte. Je sais que je vais les rejoindre bientôt et je souris en pensant à la mort. Elle serait aussi douce que le souffle chaud d’un vent d’été sur cette vie désertique qu’est devenue la mienne. L’amour, les joies, les peurs, tous ses sentiments se sont apaisés dans mon cœur et me font désirer la mort comme une renaissance… Mais je voudrai encore juste une minute…
Juste encore minute, juste encore minute,
Pour me faire une beauté ou pour une cigarette,
Juste encore minute, juste encore minute,
Pour un dernier frisson, ou pour un dernier geste,
Juste encore minute, juste encore minute,
Pour ranger les souvenirs avant le grand hiver,
Juste encore une minute... sans motif et sans but.
Juste le temps de coiffer mes cheveux devenus blancs. Juste le temps de faire le bilan de tout ce que j’ai accompli ou bien manqué. Le temps de fumer une première cigarette, de chérir encore une fois le souvenir de ma première fois dans ses bras, de caresser la tête de mes petits enfants, de les serrer contre mon cœur et de leur dire je t’aime. Juste encore un minute pour me souvenir de la femme que j’ai été, de la femme que je suis. Juste une minute encore pour effleurer les photos de notre bonheur, les coupures de journaux à notre gloire, les faire part de mariage et de naissances. Juste une minute pour caresser le poil soyeux du chat, pour boire un dernier café, pour ne rien regretter…
Puisque ma vie n'est rien, alors je la veux toute.
Tout entière, tout à fait et dans toutes ses déroutes,
Puisque ma vie n'est rien, alors j'en redemande,
Je veux qu'on m'en rajoute,
Soixante petites secondes pour ma dernière minute.
Je ferme les yeux de fatigue, j’ai cessé de me battre. Nous avons sauvé le monde mais tout ceci est loin derrière nous et n’évoque plus grand-chose pour les nouvelles générations. Nous sommes de vieux combattants qui avons survécus, qui avons vécus, mais nos vies ne sont rien. Juste quelques jours de gloire dans l’océan du temps qui s’écoule inexorablement. Juste quelques êtres courageux qui sont passés par là et vaincus le mal. Quelques lignes de plus dans les livres d’histoire. Nos vies ne sont rien et pourtant j’en redemande. Juste une dernière minute, quelques petites secondes pour me souvenir de ton parfum et de ton amour…
Tic tac tic tac tic tac
La dernière minute de Carla Bruni.