- Dépêche-toi Peter, dépêche-toi, maugréa Sirius en soutenant Rémus de son mieux avec l’aide de James.
Peter regarda ses amis d’un air apeuré et maladroit, fixant ostensiblement Rémus dont le visage commençait peu à peu à se transformer et ses crocs à saillir.
- Par Merlin Peter ! hurla Sirius à bout de nerf. Bouges-toi !
Il n’en fallu pas plus au jeune garçon rondouillard pour se métamorphoser en rat et déguerpir sous le saule qui agitait furieusement ses branches vers eux. D’un mouvement rapide et fugace, il se dirigea droit vers le nœud et y posa ses deux petites pattes dessus en poussant très fort, faisant s’enfoncer le mécanisme imaginé par Dumbledore.
Aussitôt, l’arbre s’immobilisa et le trio pu rejoindre Peter et s’engouffrer dans le passage secret situé sous les racines. Se dirigeant d’un pas pénible vers la cabane hurlante, Sirius jetait des coups d’œil inquiets à son ami.
Les soirs de pleine lune étaient toujours des moments pénibles pour lui. Même s’il savait les autres maraudeurs près de lui, Sirius se rendait bien compte que Lupin devenait de plus en plus taciturne depuis quelques mois.
Peter semblait lui aussi de plus en plus nerveux et James ne pensait plus qu’à son amour fou pour Lily Evans, laissant à Sirius la lourde charge de veiller sur leur ami.
D’ailleurs, il savait parfaitement que son frère de cœur irait encore la rejoindre ce soir. L’année touchait presque à sa fin et James passait presque tout son temps avec la jolie rousse.
Quant à Queudver… Sirius poussa un profond soupir en voyant le garçon trembler constamment dès que Lupin se métamorphosait. Sa présence l’indisposait de plus en plus et il se promit de le renvoyer dans le dortoir dès que James aurait filé.
En attendant, ils devaient mener Rémus à bon port et s’assurer qu’il se calme.
Ils poussèrent enfin la porte de la cabane hurlante, ainsi nommée à cause des hurlements poussés par le lycanthrope, mais cela, ils étaient les seules avec Dumbledore à le savoir.
Alors que Peter refermait derrière eux, Rémus se plia en deux de douleur et la transformation s’accéléra.
Sous le regard apeuré de Peter, impatient de James et inquiet de Sirius, le corps du jeune homme se modifia à vue d’œil et Lupin poussa un hurlement à déchirer les tympans.
- Allons-y, dit brusquement James.
C’était le signal qu’ils attendaient tous pour prendre leurs formes d’animagus et ils ne se le firent pas dire deux fois.
Peter redevint instantanément un rat et alla aussitôt se planquer dans un coin, comme il avait l’habitude de le faire, ne s’approchant pour ainsi dire jamais du loup-garou.
James se métamorphosa en un magnifique cerf et baissa la tête en direction de Rémus, prêt à le maîtriser à l’aide de ses bois.
Quant à Sirius, il prit sa forme canine et s’approcha de son ami, posant sur lui un regard bienveillant.
Rémus rendit son regard au chien et eut un dernier sourire de gratitude avant d’achever sa douloureuse transformation.
Alors, sa soif de sang prit le dessus et il se précipita vers la porte de la cabane, tendant ses pattes crochues dans l’espoir de détruire d’un coup de griffe le battant de bois.
Cornedrue se jeta vivement sur lui et le placarda contre le mur avec ses cornes, emprisonnant l’animal avec une aisance qui laissait deviner des mois et des mois d’entraînement.
Patmol, quant à lui, aboyait et gémissait à l’attention du loup-garou afin d’attirer son attention et de nouer le dialogue, faisant appel à la part d’humanité qui restait tapie au fond de lui.
Peu à peu, et comme à chaque fois, Rémus se calma enfin et finit par se lover dans un coin, tout près de son ami canin, qui posa une patte possessive sur lui.
Contrairement à leurs habitudes, tous les quatre savaient qu’il n’y aurait pas de sorties interdites dans les rues de Pré-au-Lard cette nuit et qu’il n’y aurait pas non plus de course poursuite à perdre haleine au clair de lune.
Dans quelques minutes, il n’y aurait plus que Rémus et Sirius ensemble. Un chien pour maîtriser un loup…
Cornedrue se releva lentement pour ne pas réveiller Lupin et donna un léger coup de museau au chien noir près de lui. Patmol releva aussitôt la tête et, très délicatement, se leva à son tour pour ouvrir la porte à son ami, suivit de près par Queudver.
En silence, ils sortirent tous les trois et reprirent leur forme humaine.
- Tu es sûr que ça va aller Sirius ? demanda James.
- Oui, ne t’inquiète pas vieux frère, chuchota le jeune homme avec un clin d’œil complice. Vas vite rejoindre ta belle, je m’occupe de Rémus.
Les deux garçons se regardèrent au fond des yeux et le doute traversa les yeux bruns de James.
- Ecoutes James, reprit Sirius avec sérieux, il ne reste que trois heures avant le lever du jour alors tu n’as pas de soucis à te faire. Il dort à poing fermé, je t’assure que ça va aller.
- Ok, ok … Alors à plus tard et… Sois prudent !
- T’inquiète !
Après une franche accolade, le jeune attrapeur de Quidditch disparu rapidement dans le tunnel sombre, impatient de rejoindre sa dulcinée.
Peter était resté en retrait et se tenait debout d’un air nerveux.
- Vas-y aussi Peter, lui dit Sirius. Tu ne peux rien faire pour Rémus mais je compte sur toi pour venir bloquer le saule cogneur tout à l’heure, d’accord ?
- D’a… D’accord, bégaya le jeune garçon. Tu… Tu peux compter sur moi, Sirius.
- J’espère bien, murmura le jeune homme brun en regardant son ami déguerpir comme s’il avait un chat aux trousses.
Il sourit pour lui-même et retourna dans la cabane avec toute la discrétion dont il était capable.
Il s’arrêta un long moment sur le seuil et regarda le loup-garou paisiblement endormi sur le tas de couvertures qu’ils avaient amené quelques mois plus tôt.
Le cœur de Sirius se serra à la vue de son ami car il savait toute la souffrance que celui-ci tentait de cacher aux maraudeurs. Rémus l’ignorait mais il y a longtemps que Sirius avait comprit ce qui se passait dans la tête et dans le cœur du jeune homme. Et il aurait tout donné pour pouvoir l’aider. Il aurait tout donné pour pouvoir le soulager un peu. Mais il ne savait pas comment s’y prendre…
Il reprit sa forme canine et alla se lover une nouvelle fois contre le loup-garou qui protesta légèrement avant de se rendre compte qu’il s’agissait de Patmol.
Les quelques heures avant le lever du soleil se déroulèrent paisiblement, seulement rythmées par les ronflements sonores des deux amis.
Puis, le jour se leva, lentement, et Rémus reprit alors sa forme humaine sans pour autant se réveiller. Sirius se leva avec douceur et ramena une couverture sur son ami pour cacher sa nudité, et surtout pour ne pas qu’il prenne froid, et s’enveloppa également dans un autre drap.
Il s’assit près du lycanthrope et resta un long moment à veiller sur lui, sans un mot.
Rémus ouvrit enfin les yeux et constata avec surprise que Sirius le regardait d’un air sérieux qui ne lui ressemblait pas du tout.
- Où sont les autres ? demanda-t-il en regardant autour de lui.
Sirius sourit légèrement devant la question embarrassée de son ami.
- James est avec Lily et Peter… J’ai préféré le renvoyer.
- Tu es resté seul pour me veiller ?
- Je ne pouvais pas te laisser sans surveillance ! s’exclama-t-il. Te connaissant, tu en aurais profité pour faire les 400 coups sans nous.
Rémus sourit en guise de réponse mais son sourire n’illumina pas son regard.
Sirius poussa un profond soupir avant de lui demander :
- Qu’est-ce qui te tracasse à ce point Lunard ?
- Rien, voyons ! Qu’est-ce qui devrait me tracasser ?!!
- Arrêtes ! Je te connais bien. Tu peux berner les autres si tu veux mais pas moi, d’accord ?
Rémus détourna son regard et dit à voix basse :
- James et Peter mènent leurs vies mais toi… Je t’empêche de vivre la tienne…
Les deux amis se regardèrent alors au fond des yeux et Sirius eut un petit sourire ironique.
- Tu ne m’empêches rien du tout Rémus. Je suis là parce que j’ai envie d’être là.
- Mais tu as peut-être envie de sortir avec des filles, toi aussi, plutôt que de…
- Je m’en fiche ! dit brusquement Sirius en se relevant et en faisant les cents pas. Tu ne comprends pas… Je n’ai pas envie d’être avec une de ces filles, Rémus ! Tout ce que je veux, c’est être avec toi !
Rémus fixa son ami dans les yeux et celui-ci ne détourna pas son regard, espérant lui faire comprendre le véritablement fond de sa pensée.
Soudain, Lupin écarquilla les yeux et demanda d’une voix sourde et hésitante :
- Tu veux dire que… que… tu…
- Oui, Rémus, dit lentement Sirius. C’est exactement ça...
Un silence plana sur la cabane et le jeune loup-garou tendit alors lentement la main vers son ami qui s’approcha de lui. Un petit sourire apparu sur le visage de Rémus, comme pour répondre à la question muette de Sirius qui se pencha alors sur lui pour l’embrasser avec douceur.
Quand les deux garçons sortirent du passage secret ce matin là, ils n’espéraient qu’une seule chose : c’est que la prochaine pleine lune arrive rapidement…
